TRADITIONS
ET COUTUMES
20 JANVIER 1997 : je reprends mon crayon en cette
journée de janvier légèrement rallongée par un soleil timide, un fort souvenir
me ramène vers les mois de janvier des années 65-70 environ. C’était la foire
de Saint-Matré ; dès les premières heures du jour, on entendait le
roulement des camions sur la route, venant du Haut-Quercy, de l’Aveyron, même
de la Corrèze. Aussitôt garés près du foirail, les marchands allaient casser la
croûte au restaurant, chez Maradenes ou chez Bessières, car déjà l’odeur de la
soupe envahissait les rues.
Pendant ce temps, de part et d’autre du village,
arrivaient les gros bœufs d’attelages, finement toilettés, le
« foual » de leur queue bien peigné et brillant leur donnait un air
de cérémonie. Liés à leur joug de travail, ils restaient impassibles en
attendant leur sort. Tout au long d’un cordage, s’alignaient aussi les
bouvillons n’ayant pas encore travaillé, suivant leur taille et leur âge ;
ils allaient remplacer leurs aînés pour les travaux. Les marchands avec
chapeaux genre auvergnat et blouse noire avaient la poitrine gonflée par le
gros portefeuille garni de billets et retenu par une chaînette au gilet. Ils
commençaient leur prospection du foirail, ils avaient vite repéré les plus
belles bêtes et la discussion sur le prix s’engageait . le marché n’était
pas conclu sur le champ. Il fallait parfois un médiateur pour accorder vendeur
et maquignon, les propos étaient crus, l’oeil critique mais cela se finissait
par une entente en tapant fortement dans la main et par un pot au café où les
billet s’étalaient sur la table. Les bœufs étaient ensuite chargés dans les
camions qui les emportaient dans d’autres régions. Le village était bien
encombré par les animaux, les véhicules, la foule et les étalages de toutes
sortes le long des rues.
L’après-midi, habitants des environs et jeunesse se
devait d’aller à la foire à Saint-Matré faire des achats et rapporter quelques
brins de mimosas, fleur alors inconnue dans notre région.
Le soir, un bal clôturait ce jour de foire, ainsi
que des parties de cartes dans les cafés qui ne désemplissaient pas de la
journée. Une deuxième foire avait lieu le 20 février, elle était un peu moins
importante en affaires. Il est bien loin ce souvenir.
Les foires de Montcuq avaient lieu 2 fois par
mois, le commerce y était identique et toutes les boutiques, restaurants et
cafés en profitaient.
Les foires de Sauzet se tenaient une fois par
mois et prenaient plus d’importance l’hiver avec la truffe.
Les autres gros villages avaient aussi leur foire,
mais lorsque les tracteurs firent leur apparition, les bœufs d’attelages ne
furent pas remplacer et en quelques années furent complètement absents des
marchés. Les vaches laitières vinrent renflouer le cheptel et leur apport en
lait apporter un plus pour les agriculteur. Restait encore sur la foire le
commerce des porcelets, vendus aux environs de 25 à 30 kilos, présentés dans de
larges caisses, tout roses dans la paille fraîche mais parfois apeurés et
couinants. Il y avait aussi quelques brebis et agneaux par petits troupeaux et
à l’automne, étaient présentées les grosses oies de Toulouse, destinées au
gavage, grises au bec jaune, l’œil vif, majestueuses et criardes. Elles
donnaient de gros et d ‘excellents foies gras.
Tout
achat était payé comptant en billets de banque (les chèques n’existaient pas)
le plus souvent autour d’une consommation au café. Les foires étaient le jour
béni des commerçants, chacun y trouvait son compte, et ainsi allait la vie de
nos campagnes.
LES FÊTES
DE VILLAGES
Dès le printemps et l’été venaient les fêtes de
villages. Du plus modeste au plus important, chacun se devait d’égayer ses
habitants. Notre commune de Fargues marquait 3 fêtes : Bovila, Farguette
et Mascayrolles, mais c’est si loin que je n’ai le souvenir que d’une seule ici
à Vicary, quelques danseurs sur la route au son d’un accordéoniste amateur et
pas trop cher ! il n’y avait pas foule... Avec mes parents, nous étions
invités à la fête d’autres villages où nous avions de la parenté :
Sérignac, Belmontet, Valprionde. C’était l’occasion de repas de famille. Mais
la plus marquante pour moi était la fête de Carnac. Dans mes premières années,
on me portait au Vert, où se trouvait la maison natale de ma mère. Plus tard,
c’est à Combeplane, chez ma tante Alice et mon oncle Edouard Vincent que la
famille se réunissait. J’allais déjà les jours précédents aider ma tante aux
préparatifs de cuisine. Le jour de la fête, je trouvais le repas bien trop long
et on s’échappait à plusieurs, à pied bien sûr pour rejoindre Carnac. Là, il y
avait un orchestre, 3 musiciens installés sur une charrette qui disparaissait
sous la verdure et les guirlandes. La petite place transformée en bal était
vite un nuage de poussière mais petits et grands s’en donnaient à cœur joie et
même les anciens n’hésitaient pas à se lancer dans des bourrées endiablées. La
buvette dispersait ses tables et chaises au plus près du bal, on y servait la
bière et la limonade. Un peu plus loin, c’était le jeu de quille, chacun de ses
messieurs exerçait son adresse. Plus loin, les marchands de jouets tentants et
colorés faisaient ouvrir de grands yeux aux petits enfants.
Après le repas du soir, on retournait à la fête,
toujours à pied bien sûr, et après la bataille finale des confetti et la danse
du balai, il fallait rentrer, car le lendemain, traditionnellement, il fallait
assister au service religieux à la mémoire des combattants des 2 guerres avec
cortège et monument au morts. Nul n’aurait voulu le manquer. L’après-midi et le
soir, la fête reprenait, nous étions très fatigués mais très heureux. A ce
jour, elle est encore bien marquante, modernisée. C’est toujours pour moi un
profond souvenir.
Venait ensuite la fête de Sauzet. Par sa
date, le 29 septembre, et aussi à cause de la Saint-Michel, patron de leur
église, elle était la plus renommée des environs. Lieu de rencontre des
habitants et des vendangeurs saisonniers des environs, il y avait une foule
considérable. On y voyait des attractions modernes car l’espace du village le
permettait. Ainsi, on pouvait voir les voitures électriques tamponnantes, la
grande luge avec tapis roulant qui déclenchait des crises de rires, mais aussi
les stands de tir, les loteries rutilantes de lumière avec de beaux objets à
gagner et surtout de grandes poupées que j’aurais tant aimé avoir dans mes
bras... Il y avait aussi les manèges pour enfants et les pousse-pousse pour la
jeunesse. Ceux-ci étaient à sensations... Des sièges suspendus par des chaînes
tournaient à toute vitesse dans l’air faisant voler robes et chapeaux et
donnant aussi souvent la nausée. C’était dangereux et ce fut plus tard défendu.
Un feu d’artifice terminait la soirée. L’orchestre plus distingué qu’ailleurs
attirait beaucoup de danseurs.
LES FÊTES
RELIGIEUSES
Les fêtes religieuses étaient simples et très
respectées. Le 1er novembre, c’était la Toussaint ; chacun
arrangeait ses tombes et les fleurissait avec les dernières fleurs du jardin ou
de la verdure, l’achat de chrysanthèmes n’était pas de mode. Les familles
assistaient à la messe et faisaient leur visite au cimetière. Puis nous
rentrions dans l’hiver et on pensait déjà à Noël, ce n’était pas pour les
cadeaux ; dans ma petite enfance,
je trouvais dans mon sabot une orange et un paquet de bonbons puis je n’ai plus
cru au père Noël ! La fête de Noël, c’était surtout la messe de minuit, il
n’était pas question de la manquer. Nous y allions à pied en famille au
village, soit Belmontet, soit Saint-Matré à environ trois kilomètres, mais
gaiement. La messe était célébrée à minuit heure solaire, le retour était
rapide et silencieux car le froid nous tenaillait les pieds et les mains ;
arrivés à la maison, c’était une tisane et au lit ! Plus tard, dans mon
enfance, je me rendais à Combeplane chez ma tante Alice. Jeunes et moins jeunes
du village, nous allions à la messe à Sauzet. L’église était bien remplie, les
chants de Noël résonnaient et lorsqu’une jolie et forte voix entonnait le
« minuit chrétien », l’assistance était silencieuse et émue. Pour
ceux qui ne venaient pas à la messe, c’était la partie de cartes au café. Puis,
nous rentrions.
Au printemps, Pâques s’annonçait, fête de la
résurrection du Christ pour les chrétiens. Avec l’annonce du printemps, chacun
s’habillait plus légèrement semblant ainsi dire adieu à l’hiver. C’était aussi
les vacances scolaires souvent synonymes de travaux des champs. Le lundi de
Pâques et la coque n’était pas pour les paysans. C’était pour nos aïeuls la fin
d’un long Carême. Au Mardi Gras, les femmes préparaient un copieux repas avec
viande et pastis, puis elles nettoyaient les ustensiles et la viande était
proscrite jusqu’au jour de Pâques, c’est à dire pour 40 jours. Le dimanche
avant Pâques est la fête des rameaux, fête printanière à l’époque puisque la
tradition était que chacun apporta des brins de lauriers ou de buis pour les
faire bénir. Ensuite distribués dans la maison et les étables, ils étaient
sensés protéger de la maladie.
Au mois de mai, il y avait la fête de l’ascension du
Christ. Cette messe était précédée d’une procession autour du village et le
prêtre bénissait les champs et les bêtes. Des croix surmontant une jolie pierre
taillée s’appelait « reposoir » car elle recevait des fleurs ou des
présents pour ce jour. Cette tradition est complètement perdue depuis des
années.
Le 15 août était et est toujours la fête de
l’assomption de la Sainte Vierge. Elle se situe en période de vacances
scolaires et annonce aussi la fin des moissons. Elle a presque toujours lieu en
semaine. Dans bien des villages, c’est aussi la fête votive.