PAYSAGE DE
MON ENFANCE
Tout au fond d’un vallon entre les collines, une
église au clocher pointu, un presbytère et un vieux manoir ont donné à notre
commune le nom de Fargues. Un peu plus loin dans une sorte de cuvette, une
autre église, plus petite, son presbytère et son cimetière mais aussi des
maisons dispersées tout autour qui forment Farguettes ; presque au centre
de la commune, un mamelon où se dresse
une église, plusieurs maisons se serrent autour de l’ancienne école, devenue la
mairie et la deuxième école devenue salle des fêtes sont celles où j’ai appris
mon peu d’instruction jusqu'à l’âge de douze ans. Il en a été de même pour les
générations avant moi, ainsi que pour mes enfants.
De petits hameaux forment notre commune ; celui
où je suis née s’appelle Mascayrolles. Une source coule discrètement dans le
vallon, elle a depuis des générations alimenté le village en eau potable et
pour tout autre usage, aussi c’était évidemment un lieu de rencontre de tous
les habitants. Un peu plus loin, se dresse fièrement notre petite église avec
son cimetière. Elle a marqué tous les événements de la vie de notre famille,
heureux ou malheureux et pour moi, le baptême, les communions, le mariage ainsi
que nos noces d’or.
Surplombant ce petit vallon, une dizaine de maisons
a abrité des familles nombreuses aujourd’hui disparues ou dispersées. Nous ne
sommes plus que quatre habitants à demeure qui plus est retraités.
Notre
maison
Le paysage a bien changé depuis ma toute jeunesse,
planté à 80 % en vignes de consommation courante, le Cahors n’étant pas encore
« labellisé ». Le vin était le principal revenu de presque toute la
commune et à 100 % pour notre village. Avant la mécanisation actuelle, la
période des vendanges mettait le village en effervescence. Cuves et barriques
étaient revues et préparées, des équipes de jeunes vendangeurs se déployaient
dans les vignes, et les chants, les rires, les histoires drôles en étaient le
côté agréable. Tout ce monde était logé et nourri pendant environ quinze jours.
La vinification se faisait dans les cuves en bois et il fallait régulièrement
rentrer dedans pour piétiner la vendange afin qu’elle ne se pique. C’était très
dangereux. Ensuite, on coulait le vin dans les barriques ; notre cuve
était la plus grande du village et on sortait cinquante barrique d’un vin léger
aux environs de 9 à 10 degrés. Ensuite venait le pressage : il fallait
remplir le pressoir de marc et je devais souvent rentrer dedans pour tasser.
Puis avec la longue barre de fer, un peu haute et lourde pour moi, on
actionnait le serrage ; le vin coulait avec sa mousse rouge et son odeur
âpre.
J’ai encore le souvenir de la pompe à bras qui
m’attendait au retour de l’école mais j’étais fière de mon humble
participation.
La vie des champs
Déjà, les
jours se faisaient plus courts et plus froid. Le matin, je me hâtais avec ma
gamelle et mes livres dans un modeste sac de toile vers l’école. Le bon vieux
poêle en fonte, allumé par l’un de nous, répandait une chaleur bien appréciée
et réchauffait nos gamelles. Ainsi, nous rentrions dans l’hiver. A cette époque
pas de télévision bien sûr, mais un poste de radio pour les plus riches
permettant de diffuser les informations nationales dans le village et ceci au
cours de soirée chez l’un ou l’autre. Les hommes disputaient des parties de
cartes, les femmes souvent faisaient les crêpes, quelquefois la polenta, le
tout dégusté avec du vin nouveau, ou vin chaud bien corsé. Lorsque la neige
faisait son apparition, la campagne semblait s’être endormi, le froid était
vif, la marche difficile pour les soins aux animaux car il fallait porter l’eau
avec les seaux. La cheminée était garnie de grosses bûches mais seule la
cuisine était chauffée, les chambres étaient de véritables frigos. => Notre vie
Mon père aimait marcher dans la neige ; avec un
gros bâton, il suivait la trace de quelques petits gibiers. Avec le voisin, ils
allaient aussi chasser les petits oiseaux avec la lanterne, mais tout ceci
était hors la loi. Les femmes se cantonnaient aux travaux de couture et la
cuisine était réduite au minimum. Le soir venu, ma mère allumait la lampe à
pétrole placé dans une suspension avec un abat-jour en porcelaine blanche. On
n’y voyait pas beaucoup, pourtant, nos grand-mères faisaient de beaux ouvrages
au crochet. En 1936, l’électricité vint nous éclairer, c’était aveuglant,
quelle innovation ! On rangea lampes et chandeliers sur l’étagère de la
cheminée. Ils représentent aujourd’hui des souvenirs. L’électricité changea la
vie de nos maisons, elle permit des commodités et nous assure aujourd’hui le
confort.